L’Art d’Elizabeth Bishop
A la fin de l’émission L’Embellie d’Eva Bester avec Eva Illouz sur France Inter, je suis tombée sous le charme de ce poème d’Elizabeth Bishop. En cherchant le recueil de poésie sur le site de la médiathèque, j’ai découvert ce film sur la vie de la poétesse, qui est magnifique. Et j’ai découvert un mot « villanelle ».
Dans l’art de perdre il n’est pas dur de passer maître ;
tant de choses semblent si pleines d’envie
d’être perdues que leur perte n’est pas un désastre.
Perds chaque jour quelque chose. L’affolement de perdre
tes clés, accepte-le, et l’heure gâchée qui suit.
Dans l’art de perdre il n’est pas dur de passer maître.
Puis entraîne toi, va plus vite, il faut étendre
tes pertes : aux endroits, aux noms, au lieu où tu fis
le projet d’aller. Rien là qui soit un désastre.
J’ai perdu la montre de ma mère. La dernière
ou l’avant-dernière de trois maisons aimées : partie !
Dans l’art de perdre il n’est pas dur de passer maître.
J’ai perdu deux villes, de jolies villes. Et, plus vastes,
des royaumes que j’avais, deux rivières, tout un pays.
Ils me manquent, mais il n’y eut pas là de désastre.
Même en te perdant (la voix qui plaisante, un geste
que j’aime) je n’aurai pas menti. A l’évidence, oui,
dans l’art de perdre il n’est pas trop dur d’être maître
même si il y a là comme (écris-le !) comme un désastre.
villanelle
nom féminin
(italien villanella, de villano, paysan)
- 1. Composition polyphonique, originaire de Naples ou de Venise, de caractère populaire, en vogue au xve s. et au xvie s.
- 2. À partir du xvie s., chanson pastorale et populaire codifiée en un poème composé d’un nombre impair de tercets et terminé par un quatrain.
Elizabeth Bishop est une poétesse et femme de Lettres américaine. Connue notamment pour avoir écrit des nouvelles ainsi que plusieurs recueils de poésie tels que : “North & South” (Nord et Sud) et “A Cold Spring” (Un printemps froid).
Elle a reçu de nombreux prix pour ses œuvres, parmi lesquels le prix Pulitzer de Poésie en 1956.
